Diplômée de l’Essec, d’une maîtrise de psychologie et plus récemment d’une certification de coaching, Diane Mautin nous livre ses secrets d’un management interculturel optimal.
Après 15 années d’expérience dans des environnements multiculturels en tant que DRH dans les secteurs de la distribution, du luxe, de l’internet et de la banque d’investissement, Diane commence aujourd’hui une carrière de coach (« executive and private coach »).
En qualité d’experte dans les RH, quelles sont les principales différences entre les français et les brésiliens dans leur travail ?
Il est toujours délicat de généraliser les différences d’ordre interculturel, et il faut à tout prix éviter de tomber dans des stéréotypes. Néanmoins, certaines tendances se dessinent nettement. En termes d’organisation, on peut dire que, souvent, les Brésiliens abordent leur travail avec davantage de flexibilité et d’ « opportunisme » (le fameux jeitinho) que les Français. Les Français eux ont tendance à préférer un travail rigoureusement planifié et à accorder davantage d’importance aux délais.
D’un point de vue structurel, un Brésilien a souvent un respect profondément ancré pour la hiérarchie, ce qui va rendre délicat l’émission d’un avis critique ou l’adoption d’une opinion susceptible de créer un désaccord avec son chef. Un manager brésilien restera très proche de ses équipes et travaillera de manière plus consensuelle, en ayant davantage de difficulté à exprimer clairement un feedback négatif.
A l’inverse, un Français a été formé et encouragé à la pensée critique et sera relativement à l’aise pour s’exprimer librement, même si cela ne va pas dans la direction énoncée par son supérieur hiérarchique. Un manager français sera plus facilement sur un mode de délégation participative, et exprimera sans crainte ses insatisfactions éventuelles quant au travail de son équipe, quitte à parfois « oublier » de reconnaître aussi les succès.
Avez-vous une anecdote de choc interculturel dans lequel vous étiez impliquée ou témoin ?
Oui, beaucoup. Je prendrai un exemple relatif à l’appréhension du temps : le fameux « estou chegando » (littéralement « je suis en train d’arriver ») va être interprété totalement différemment par un Français qui pense que d’ici 5 minutes maximum la personne sera arrivée, et un Brésilien qui signifie qu’il est en route, mais au vu des distances et des difficultés de circulation, il se peut qu’il mette plusieurs heures à arriver. En cas de stress, cela peut créer de fortes tensions (je parle d’expériences vécues !) ! Mais cela part du fait que le référentiel temporel n’est le même.
En qualité de coach, quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui vient travailler avec des Brésiliens ?
De manière générale, je conseille toujours à une personne amenée à travailler avec des collaborateurs d’autres cultures de faire preuve d’ouverture d’esprit et d’humilité. C’est le meilleur moyen de créer un respect mutuel et de partir sur des bases saines, pour que chacun puisse progressivement accepter les différences de l’autre, faire accepter les siennes et idéalement garder le ‘meilleur’ de chaque culture…
De même, il est important de ne pas accorder trop d’importance aux idées préconçues. Par exemple, dans l’esprit de beaucoup de Français, un Brésilien aime avant tout jouer au foot ou danser la samba, donc n’est pas forcément très investi dans sa vie professionnelle. Or, la réalité montre que bien souvent, les Brésiliens sont particulièrement engagés professionnellement, ce qui ne les empêche pas en outre de continuer à étudier pendant une bonne partie de leur vie professionnelle (et qui ne les empêche pas non plus d’être une nation particulièrement douée au foot… mais là je rentre dans des considérations beaucoup trop sensibles pour être creusées sur ce blog !). Il est bon de savoir qu’à l’inverse, les Brésiliens trouvent que les Français passent leur temps en vacances…
Enfin, en ce qui concerne spécifiquement le Brésil, on dit habituellement à une personne qui n’est pas habituée à travailler avec des Brésiliens de faire preuve de souplesse et de se montrer conciliant. En caricaturant, on dit parfois qu’un Français est plus efficace s’il est managé avec des remontrances, alors qu’un Brésilien sera plus engagé si on lui prodigue des encouragements.
Sur un autre registre, il ne faut pas hésiter à parler dans un cadre professionnel de sujets extra professionnels. On cite toujours l’exemple sacré du football, mais il en existe bien d’autres : les Brésiliens ont une forte capacité à s’ouvrir face à leurs interlocuteur, qui peut frustrer un européen qui voudra rester focalisé sur sa problématique professionnelle, mais qui a la vertu de permettre la mise en place de relations conviviales et durables. Par ailleurs, l’on remarque parfois que les Brésiliens ne disent pas facilement ‘non’, et qu’un manager qui souhaite une réponse engageant ses équipes sur un dossier devra préférer des questions ouvertes du style “quand penses-tu pouvoir avoir finalisé ta présentation ?” plutôt que “est-ce que tu peux la finir pour vendredi ?”
Et pour aller plus loin, retrouvez notre article sur les pratiques du management entre la France et le Brésil.
Par Diane Mautin pour My Little Brasil