Le sample est un mot anglais désignant un échantillon sonore (en général quelques secondes) d’une œuvre existante (chanson, extrait de films…), utilisé pour fabriquer un nouveau morceau musical. Après avoir été extrait de l’œuvre originale, il subit des transformations (mise en boucle, inversion, accélération, ralenti…) avant d’être intégré au nouveau morceau.
C’est une des composantes essentielles permettant de fabriquer un instrumental de rap, mais le sample suscite des réactions diverses : pillage musical, hommage aux artistes du passé, nouvelle vie pour des œuvres oubliées du grand public.
Le terme « sample » se traduit par « amostra » (qui cependant est moins utilisé que le premier au Brésil), et « sampler » se traduit tout simplement par « samplear ».
Dans le rap, le sample utilisé peut être issu d’une musique locale, américaine, ou internationale, et le Brésil regorge d’exemples.
Les samples américains
Prenons l’exemple du célèbre groupe de rap politisé Racionais MC’s. La page Wikipédia du groupe nous donne le lien de chaque album avec, en prime, le sample utilisé pour la plupart des chansons. Surprise, le groupe utilise très peu de musique locale, les choix se portent sur les samples américains.
Si l’on prend l’exemple de l’excellent album « Sobrevivendo no Inferno », on remarque que la plupart des artistes font partie des plus samplés de l’histoire du hip-hop (Isaac Hayes, Curtis Mayfield, The Isley Brothers…). Les autres albums du groupe suivent la même logique (samples de James Brown entre autres…).
Il arrive également que les samples soient utilisés dans différentes œuvres : je vous laisse découvrir le morceau « Salve », qui reprend sans modification « Ike’s Rap II » de Isaac Hayes, instrumental que vous aurez sans doute reconnu dans le morceau « Glory Box » de Portishead…
Racionais MC’s n’est bien entendu pas le seul groupe à utiliser les samples américains. Même Gabriel o Pensador, rappeur Carioca ayant rendu hommage à la musique locale dans le morceau « a dança do desempregado » , écrira « Lavagem Cerebral » pour dénoncer le racisme au Brésil, en utilisant un sample de « Hung up on my baby » de Isaac Hayes (auparavant utilisé dans le morceau « My mind is playing tricks on me» du groupe américain Geto Boys…).
Outre Isaac Hayes, le groupe de funk américain The Ohio Players a fait partie des artistes les plus samplés, et ce même au Brésil ! Jugez-en par le morceau « A minha parte eu faço » du groupe Cirurgia Moral qui sample le titre «Good luck Charm ».
Les samples locaux
Il n’est pas toujours évident de trouver le sample original d’une chanson de hip-hop, et Wikipédia nous donne rarement la réponse… Heureusement le site très complet WhoSampled.com est là pour nous aider.
Si on fait une recherche sur Marcelo D2, rappeur carioca connu pour mixer samba et hip-hop, on trouve, contrairement à Racionais MC’s, davantage de samples brésiliens.
Voici un très bel exemple où Marcelo D2 sample et accélère la voix de la chanteuse Claúdia à la 14e seconde du morceau « Deixa eu dizer», pour son titre « Desabafo ».
Pour information, une voix samplée accélérée est plus aigüe, et une voix ralentie est plus grave, ainsi la voix de Claúdia paraît plus aigüe dans le morceau de Marcelo D2.
D’autres artistes s’inspirent de la riche musique brésilienne, tels que le rappeur de São Paulo Rappin’ Hood qui sample sans modification la voix de Cartola (morceau « Preciso me encontrar ») dans « Zé Brasileiro ».
Malgré la richesse de la musique brésilienne, on est toutefois surpris de voir de nombreux rappeurs opter pour les samples américains. Dommage, car les samples locaux rendent hommage aux artistes brésililens, peuvent relancer la carrière d’artistes oubliés, et nous permettent d’enrichir notre culture musicale…
DJ TR, auteur du livre « Acorda hip-hop», dénonce un refus de la part des artistes de MPB (Musica Popular Brasileira) de donner l’accès à leurs œuvres… phénomène paradoxal lorsque que l’on se souvient que la MPB est une musique revendicative née sous la dictature dans les années 60…
Outre le refus culturel, le problème d’obtention des droits d’auteurs en serait l’explication juridique, nous en parlerons un peu plus loin dans l’article.
Les samples internationaux (hors américains)
Criolo, autre rappeur emblématique de São Paulo, célèbre pour la richesse et la diversité de ses instrumentaux (je vous invite à découvrir l’album « No na orelha ») prend davantage de risques en n’hésitant pas à sampler des morceaux autres que locaux et américains.
Le site WhoSampled.com m’a fait découvrir que Criolo s’est intéressé à la musique française et égyptienne : ainsi on retrouve les premières secondes de « Et si tu n’existais pas » de Joe Dassin dans son titre « É o teste », ainsi que les premières secondes du morceau éthiopien « Selametaye Yederes » de Tlahoun Gèssèssè dans son titre « Lion Man ».
Dans la catégorie sample international, le groupe de la zone sud de São Paulo Alcatéia a utilisé sans modification la bande originale du western italien « Les longs jours de la vengeance» dans son morceau « Um bride aos guerreiros ».
Mais là encore, même constat, peu de rappeurs prennent le risque d’exploiter la musique internationale, et se rabattent sur les samples américains.
Par Jérémie Melki pour My Little Brasil