La première chose que vous diront les Brésiliens si vous abordez avec eux la question du marché du livre, c’est que ce marché est ridiculement peu développé, proportionnellement à la taille de la population. Première explication, évidente : le taux d’analphabétisme, qui en 2005 atteignait encore 11% de la population des plus de quinze ans (35% des adultes mais seulement 3 % des jeunes entre 15 et 19 ans). À cet égard, on peut rappeler que 70% des Français de plus de 15 ans lisent au moins un livre par an (52% en achètent plus d’un par an).
Au niveau de la production, le géant d’Amérique latine a publié 45 000 titres en 2007, environ la moitié de ce que la France a produit à la même époque. Le tirage moyen des livres brésiliens est inférieur à 5 000 exemplaires : il est de 8 000 en France, malgré l’énorme différence d’échelle.
Mais il serait réducteur de s’en tenir à cette opposition. En effet, le marché du livre brésilien se distingue du marché français par la dynamique qui l’anime depuis 1985, tandis que le marché français souffre d’une baisse des ventes, assez sensible depuis cinq ans environ.
En 2011, la production de livres au Brésil a été de 58 000 titres. Il semble que l’offre littéraire augmente de façon significative, en quantité et en qualité. Le marché du livre brésilien est parmi ceux qui se développent le plus rapidement, à l’échelle mondiale, depuis une dizaine d’années.
La production de livres est également différente en nature. En France, le secteur le plus représenté est celui des romans pour adultes (24%), tandis qu’au Brésil, c’est celui des livres scolaires qui occupe la première place dans la production (31%, contre 12% de littérature pour adultes, et 12% de littérature jeunesse) comme dans le chiffre d’affaires (48% du chiffre d’affaires). Des secteurs comme le développement personnel, la spiritualité et les trilogies à suspens pour jeunes adultes ont une importance notable et croissante. Du point de vue de la publication d’œuvres étrangères, la France et le Brésil publient surtout des traductions de l’anglais (autour de 60%)
Les progrès récents du marché du livre brésilien s’expliquent par la politique menée depuis 2005. La « lei do livro » du gouvernement Lula a été déterminante, dans la mesure où elle a obligé l’État fédéral, les États fédérés et les municipalités à consacrer une part de leur budget à l’entretien des bibliothèques et à l’acquisition de livres sélectionnés par des comités d’experts.
S’en est suivi, en 2006, le « Plano nacional do livro e da leitura », mené conjointement par le ministère de la Culture et le ministère de l’Éducation, dont l’ambition est de doter le Brésil d’une politique de lecture publique pérenne, passant par la mise en œuvre de divers programmes fédéraux ou régionaux, comme le PNBE (programa nacional biblioteca da escola). L’augmentation des dépenses publiques en matière d’éducation a également été sensible : elles sont passées de 10,5 % du budget national en 2010 à 16,8 % en 2009.
L’un des résultats les plus sensibles de ce plan est la bonne santé du secteur du livre scolaire et parascolaire, ainsi que le développement de la littérature jeunesse. Plusieurs auteurs brésiliens (citons par exemple Ana Maria Machado) ont reçu de prestigieux prix littéraires pour des œuvres destinées à la jeunesse, et ont fait l’objet de traductions au niveau international.
Depuis 2011, le Brésil cherche en outre à exporter sa littérature, grâce à un immense programme de soutien à la traduction mis en place par la Fondation Biblioteca nacional.
Le début de 2013 marque également un tournant avec l’arrivée sur le marché brésilien des premiers acteurs du livre numérique, en tête desquels Amazon, qui a ouvert le 6 décembre 2012 son Kindle Store Brasil. L’entreprise américaine a conclu des accords avec la plupart des plus grands éditeurs du pays, notamment Globo et Objetiva et, plus récemment, Companhia das Letras, sans oublier de développer des applications de lecture en portugais pour Android, iOS, Mac et PC.
Par Gabrielle Yriarte pour My Little Brasil