My little Brasil a rencontré Camilla Quental, enseignant-chercheur spécialiste des femmes dans le monde du travail et l’entrepreneuriat.
Pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Je suis brésilienne et j’habite en France depuis dix ans. J’ai étudié à la PUC en économie puis j’ai fait un MBA à la Coppead Graduate School of Business, l’Université Fédérale de Rio de Janeiro.
Je suis partie du Brésil dans le cadre d’une bourse que L’Oréal offrait aux étudiants internationaux de Sciences Po. J’ai donc fait un master à Sciences Po et travaillé chez L’Oréal et puis chez Danone en marketing.
Ces deux expériences furent évidement très enrichissantes, mais il me manquait le coté « humain » que j’aime tant dans le travail. J’ai donc décidé de postuler pour un doctorat en gestion à HEC pour ensuite travailler à Audencia (École Supérieure de Commerce Audencia Nantes) en tant qu’enseignant-chercheur.
Pourquoi avez-vous décidé de faire de la recherche, et plus particulièrement de travailler sur les femmes et leur cadre professionnel ?
Au départ je n’étais pas particulièrement intéressée par les femmes, mais plutôt par la question générale de l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Cependant, une fois mes recherches avancées, je me suis rendu compte que cet objet d’étude, les femmes, était riche et pertinent, notamment si l’on s’intéresse spécifiquement aux femmes entrepreneurs.
Aujourd’hui encore, face aux nombreux progrès accomplis, il me semble que beaucoup de personnes ont tendance à penser que tout est déjà résolu. Or il existe encore des biais qui sont de plus en plus subtiles (biais de deuxièmes génération) liés au network, à l’image de la femme quand elle accède à des postes à hautes responsabilités… On le voit plus généralement avec les femmes qui occupent des positions de leaders. Il faut être attentif à tous ces biais et mon rôle de chercheur est de mettre le doigt sur ces problèmes, pour tenter de les comprendre, mais aussi pour leur donner de la visibilité dans la société.
Parlez-nous de votre étude “Work-life balance the experience of women entrepreneurs in Brazil”. Quels sont vos principales observations et conclusions.
Peu d’études existent aujourd’hui sur les femmes dans l’entrepreneuriat au Brésil. Mon étude a dix ans, mais certains constats sont encore valables aujourd’hui.
J’ai remarqué pendant mes recherches que beaucoup de femmes au Brésil cherchaient dans l’entrepreneuriat une forme d’équilibre, espérant une plus grande flexibilité dans la gestion de leur temps et du ratio vie professionnelle x vie privée. De fait, dans le monde des entreprises au Brésil, cette flexibilité est difficile, sinon impossible… Ici, la norme est 40-44h par semaine, du lundi au vendredi, voire au samedi, le 4/5ème n’existe pas !
Une autre constat flagrant est que beaucoup de femmes au Brésil occupent des postes à hautes responsabilités. Cela peut s’expliquer en partie par le fait qu’il est commun d’avoir des personnes pour aident les femmes dans leur vie quotidienne, comme par exemple les femmes de ménage.
Selon vous, le Brésil a-t-il du potentiel pour favoriser l’égalité hommes-femmes dans le milieu professionnel/personnel ? Qu’en est-il de la comparaison avec la France ?
Comme je le disais, les femmes peuvent compter sur une aide au quotidien pour s’épanouir professionnellement. C’est une des raisons qui expliquent pourquoi au Brésil il y a relativement plus de femmes haut placées qu’en France.
Je pense que le Brésil est un pays ouvert en ce qui concerne les femmes au travail même si, en terme de partage des tâches domestiques, les hommes participent bien moins qu’en France. Aujourd’hui cela va changer car avec la nouvelle loi qui donne plus de droits aux femmes de ménage au Brésil, les hommes vont devoir participer aux tâches de la vie quotidienne.
Cependant que ce soit en France ou au Brésil, il n’est pas facile d’entreprendre pour les femmes. En effet, il existe de nombreuses barrières comme par exemple le financement, beaucoup plus dur à obtenir pour les femmes que pour les hommes.
Aussi, les raisons d’entreprendre ont changé. Au Brésil, il y a dix, quinze ans, les individus avaient tendance à entreprendre pour des raisons négatives : par exemple, le manque de flexibilité des contrats de travail.
Aujourd’hui les Brésiliens entreprennent car ils ont trouvé une idée de produit ou de service qu’ils veulent développer et dans lesquels ils croient ! L’ancien schéma brésilien est en train de se produire en France : face à la crise, l’entrepreneuriat devient une solution au chômage pour certains.
Par Alicia Fournier pour My Little Brasil.
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