Au Brésil, chaque ville ou État développe sa propre culture musicale, qui va connaître un succès – ou non – dans le reste du pays (et quelquefois dans le reste du monde).
C’est le cas du Funk Carioca, musique emblématique de Rio de Janeiro, puisant sa source dans la Miami Bass, aux paroles parfois très controversées, et qui a rendu célèbres ses Baile Funk (bals de funk) dans le monde entier.
Plein phare sur le Funk Carioca old school, de sa création dans les années 60 à sa nationalisation dans les années 90. Dans un 2e article nous aborderons le funk d’aujourd’hui.
La création des baile Funk au Brésil remonte aux années 1960
Dans les années 60, le Brésil, dirigé par la dictature, où la bossa nova suivie de la MPB (Música Popular Brasileira) connaissent un succès retentissant, où le samba continue à représenter les favelas, assiste à l’émergence d’une autre culture musicale américaine au sein de la population noire Carioca : la soul. De cette musique et peut-être du besoin d’affirmation de la population noire des favelas (n’étant représentés que par le samba) naîtra une nouvelle forme de soirée : les bailes Funk (bals funk).
La recette : un modeste prix d’entrée, Un DJ, un MC pour assurer l’ambiance, et des danseurs en transe sur de la musique soul, et bientôt le Funk (l’enfant américain de la soul dans les années 70), recette qui n’est pas sans rappeler les sound system jamaïcains, et les block-parties du Bronx qui ont donné naissance à la culture hip-hop.
Mais contrairement aux débuts du hip-hop où le DJ était le centre d’intérêt principal, ce sont les équipes de sons qui se font un nom en produisant des Baile Funk (et plus tard des compilations), les plus populaires étant Furaçao 2000 et Soul Grand Prix.
Première compilation de Furação 2000 (1982) Une des premières compilations de Soul Grand Prix
Les années 70 étant également marquées par le Disco, le Brésil n’y a pas échappé, à tel point que les aficionados ont déserté les Baile Funk au profit des discothèques proposant de la Disco à mode… heureusement des DJs, tels que DJ Marlboro, ont persisté dans les années 80.
L’importation de la Miami Bass dans les années 1980
La Miami Bass, née dans les années 80, est un sous genre du hip-hop, et tire ses origines de l’électro-Funk (caractérisé par l’incorporation d’instruments synthétiques, dont Afrika Bambaataa, DJ et pionnier de la culture hip-hop, est à l’origine).
Ce style a été popularisé à Miami par 2 Live Crew, groupe californien très controversé et managé par le promoteur de soirées Luther Campbell (connu sous le pseudonyme de Luke). Il est vrai que la Miami Bass n’a pas connu le succès « mainstream » comme le hip-hop, néanmoins elle a influencé des styles de musique tels que le dirty rap (né dans le sud des États-Unis)… et le Funk carioca.
À cette époque, DJ Marlboro s’intéresse aux techniques de création utilisées par la Miami Bass et l’électro-Funk, telles que l’utilisation de la boîte à rythmes et le sampler.
Il décidera d’effectuer le voyage qui changera sa vie, à Miami (la ville américaine la plus proche du Brésil, ce qui expliquerait le choix de la Miami Bass…), où il rencontrera les 2 Live Crew et importera un grand nombre de vinyles. Le rythme de la Miami Bass deviendra donc le premier rythme officiel du Funk Carioca des années 80 et 90, voici un classique américain : The Unknown D.J. – “808 Beats (Club Mix)”.
Voyons comment ce style originaire de la Miami Bass s’est fait connaître dans tout le Brésil.
La nationalisation du Funk Carioca
À la fin des années 80, la nationalisation du Funk Carioca sera officialisée par la sortie de la première compilation Funk, créée par DJ Marlboro : Funk Brasil.
Cette première œuvre contient entre autre le morceau Melô da Mulher Feia, reprise et traduction du morceau de Miami Bass 2 Live Crew – Do Wah Diddy (lui-même reprise du succès des années 60 Manfred Mann – Do Wah Diddy Diddy). Lorsque l’on écoute le texte de 2 Live Crew ainsi que la version produite par DJ Marlboro, on s’aperçoit qu’on est très loin du romantisme de la version originale… et c’est sous cette forme moins romantique que se fera connaître le Funk dans tout le Brésil.
Néanmoins, ce premier album montrera au pays que les artistes Brésiliens sont capables de chanter en portugais, ainsi par la suite l’anglais disparaîtra progressivement des morceaux de Funk.
Le Funk Melody
Les années 90 sont également marquées par un nouveau style de Funk, puisant également sa source dans la Miami Bass : le Funk Melody.
Ce type de Funk est né en parallèle au Funk Carioca (il n’est donc pas un sous-genre de ce dernier), sous l’impulsion de DJ Marlboro. Il représente une version soft romantique de la Miami Bass et du Funk Carioca, autant dans ses mélodies que dans ses textes, en voici quelques exemples : le premier Funk Melody Melô do príncipe de Guilherme jardim (reprise de Just Another Lover de Ray Guell), Me Leva de Latino, ou encore Mel da sua boca de Copacabana Beat. Le groupe Claudinho & Buchecha (écoutez So Love et Nosso Sonho) est un groupe emblématique de cette époque, avant la mort tragique de Claudinho en 2002.
Le Funk Melody a connu un fort succès au milieu des années 90 avant de disparaître… contrairement au Funk Carioca qui lui a continué son évolution sous d’autres formes, dont le Funk Proibidão et l’Ostentação… sujets que nous traiterons dans le prochain article, à suivre…
Par Jérémie Melki pour My Little Brasil