
Professeur docteur de physique, Carlos Henrique de Brito Cruz est Directeur scientifique de la Fondation d’Appui à la Recherche dans l’état de São Paulo – FAPESP – depuis 2005. Membre de l’Académie Brésilienne des Sciences, il a récemment reçu les Palmes académiques françaises honorant ainsi son parcours et son travail au service de la coopération scientifique franco-brésilienne.
Il livre aujourd’hui pour My Little Brasil sa vision du monde scientifique brésilien et nous parle des programmes de la FAPESP pour les étudiants et les entreprises françaises.
Quelles sont les raisons qui vous ont amené à laisser de côté le monde universitaire pour entrer à la FAPESP ?
En réalité, lorsque j’ai intégré la FAPESP, je n’ai pas laissé de côté le monde universitaire. D’une part, parce que je continue aujourd’hui d’avoir des activités de recherche au sein de mon laboratoire à l’UNICAMP et d’autre part, parce qu’au sein de la FAPESP je travaille en étroite relation avec le monde universitaire.
Par ailleurs, lorsque j’étais à l’UNICAMP j’ai toujours exercé des fonctions de gestion et d’administration de la recherche en parallèle à mes activités de recherche.
Comment définirez-vous le rôle de la FAPESP et quel public la fondation vise-t-elle ?
La FAPESP est une fondation publique financée par le contribuable pauliste dont la mission est de soutenir des projets pensés par des chercheurs de l’état de São Paulo. Les activités de la FAPESP consistent principalement à financer des bourses (pour des étudiants de Master, de Doctorats et de Post-doctorats) et des projets de recherche qui se déroulent dans l’état de São Paulo.
La FAPESP dispose également de programmes spécifiques. Nous avons par exemple un programme en pleine croissance qui vise à financer des projets de recherche collaborative entre des universités et des entreprises. Nous finançons également un programme d’appui aux PME innovantes. Concernant ce dernier, nous validons une moyenne de trois projets par semaine.
Pourriez-vous nous donner une image de ce qu’est le système brésilien et le système paulistano d’appui à la Science ?
Le système pauliste est sensiblement différent du système brésilien. Je dirais qu’il existe trois principales différences quant au financement et aux résultats :
– L’intensité du financement. En effet, dans l’état de São Paulo, 1,6% du PIB est investi en R&D, pourcentage relativement supérieur à l’investissement des autres Etats brésiliens qui tourne autour de 0,9%. Il est intéressant de souligner que le pourcentage pauliste est un pourcentage similaire à la moyenne des pays européens.
– La répartition du financement. Dans l’état de São Paulo, 61% de l’investissement en R&D est réalisé par les entreprises (pourcentage similaire à la France) alors que seulement 25% est investi par les entreprises dans les autres Etats brésiliens. Cette différence impacte fortement les résultats. Par exemple, il est relativement facile de créer des partenariats en R&D entre des entreprises et des universités à São Paulo alors que c’est relativement difficile dans les autres états.
– Enfin, il est intéressant de remarquer que la dépense publique n’est pas structurée de la même manière. La dépense de l’état représente le double de la dépense fédérale dans l’état de São Paulo alors que dans le reste du Brésil, la dépense fédérale représente 4 ou 5 fois la dépense de l’état.
Les conséquences sont nombreuses : les chercheurs paulistes écrivent la moitié des publications scientifiques du Brésil et déposent plus de la moitié des brevets brésiliens.
Pourriez-vous nous dire quels sont les atouts de l’état de São Paulo à faire valoir pour attirer les chercheurs/entreprises étrangers ?
L’excellence de nos universités est un atout certain. L’USP, l’UNICAMP forment un grand nombre de docteurs et de chercheurs ainsi que les universités fédérales comme l’UNIFESP, la fédérale de São Carlos ou encore l’université fédérale de l’ABC. La formation d’une main d’oeuvre hautement qualifiée est un atout en termes de compétitivité pour les entreprises.
J’ajouterai, sur un plan plutôt institutionnel, que São Paulo a un excellent historique en termes de stabilité et de responsabilité quant aux investissements en R&D. C’est un point important car une entreprise qui s’installe en terre étrangère a besoin d’avoir une vision de ce qui va se passer dans les deux prochaines années mais également dans les 10 prochaines années. Et sur ce point, l’Etat de São Paulo a toujours répondu présent, je veux dire par là que le financement en R&D a toujours été stable ou en croissance.
Enfin, en termes d’aires d’excellence en R&D, la recherche en entreprise est très bien positionnée sur la partie automobilistique, sur les NTIC, la chimie et la nutrition. Les opportunités de développement sont également à chercher du côté des bioénergies, de la biodiversité, de l’aéronautique et de l’aérospatiale mais aussi du secteur pétrole&gaz.
Vous avez été amené à connaître divers systèmes de R&D, quel serait selon vous le modèle idéal ?
C’est une question difficile car chaque pays à ses propres caractéristiques.
Il me paraît cependant que le système que tous les pays aimeraient avoir est le système américain. En termes de résultats, c’est la meilleure machine à « faire de la science ». La R&D réalisée aux USA a un fort impact intellectuel et un fort impact économique.
Ce n’est pas une simple question de volume d’investissements, c’est une manière de procéder, d’inciter, c’est tout un système. En deuxième position, je choisirai le modèle anglais.
Quelles seraient les transformations attendues et souhaitables au Brésil ?
Je pense que les transformations dont nous avons besoin ont tout à voir avec le mot « impact ». Le Brésil aurait besoin de transformations pour obtenir des résultats concrets de la politique publique en faveur de la R&D.
Sur le plan intellectuel tout d’abord. Nous devons obtenir des résultats scientifiques qui stimulent la production d’autres connaissances fondamentales et d’autres résultats concrets.
Et sur le plan économique social bien évidemment, il serait souhaitable que la science et les activités de R&D puissent nous mener vers une amélioration des conditions de vie et de la vie en société de manière générale.
Quels sont les accords de coopération internationale dont la FAPESP peut s’enorgueillir ?
La FAPESP travaille beaucoup à l’internationalisation de la science pauliste, et ce, spécialement depuis 2007. La quantité de projets de recherche collaborative entre des chercheurs paulistes et étrangers a relativement augmenté depuis cette période.
Nous disposons de plusieurs accords de coopération qui ont d’excellents résultats comme l’accord avec le British Council, avec la National Science Foundation ou encore avec l’ANR française. Notre coopération avec l’ANR est très prometteuse et nous avons déjà lancé plusieurs projets en océanographie, sur la question du changement climatique, et dernièrement en immunologie.
Nous avons également un programme dédié à l’échange de scientifiques et sur ce point nous avons un très bon historique avec le CNRS.
Concernant notre stratégie d’internationalisation, nous nous différencions de la stratégie nationale, symbolisée par le programme Sciences Sans Frontière, qui consiste à envoyer des étudiants se former à l’étranger.
La FAPESP cherche plutôt à appuyer des projets de recherche réalisés conjointement par des chercheurs étrangers et des chercheurs paulistes. Le chercheur pauliste n’entre donc pas dans le projet comme « élève », mais comme véritable leader, aux côtés des autres chercheurs.
C’est une autre manière de faire de la coopération internationale, et c’est vers ce type de collaboration que nous nous orientons.
Comment la FAPESP peut-elle répondre au souhait des étudiants français de venir au Brésil ?
C’est un point qui nous intéresse énormément car la FAPESP cherche à « importer » des cerveaux du monde entier, et il y en a beaucoup en France. Nous avons 4 programmes qui peuvent répondre à ce mouvement.
– Le premier est une aide financière que nous donnons à un chercheur visitant pour une période de 2 semaines à 1 mois.
– Le deuxième est un programme de bourses de post-doctorats. Ces bourses sont ouvertes à toutes les nationalités. A titre d’exemple, dans le domaine des sciences exactes, 41% des bourses sont allouées à des étrangers.
– Le troisième programme permet de financer un « jeune chercheur » qui est déjà docteur et qui a réalisé un post-doctorat de qualité. La FAPESP offre dans ce cas une bourse mais aussi tous les moyens nécessaires pour développer des projets de recherche ici (infrastructure, achat de matériel etc.). L’année dernière nous avons sélectionné un « jeune chercheur » par semaine.
– Enfin, notre quatrième offre est un programme d’excellence dédié aux chercheurs séniors qui ont une capacité de leadership scientifique reconnue. C’est le programme « São Paulo Excellence Chair ». Le chercheur senior s’engage à passer douze semaines par an dans un laboratoire pauliste sur une durée allant de 3 à 5 ans. Cela lui permet de maintenir son travail en France et de développer en parallèle un projet de recherche au Brésil. Tous les moyens nécessaires sont mis à disposition. Nous avons une chercheuse française qui a commencé un travail remarquable au laboratoire de Biotechnologies de Campinas.
Quels programmes de la FAPESP seraient susceptibles d’intéresser les entreprises françaises ?
Pour les entreprises ayant une activité de recherche importante, nous avons un programme de cofinancement de centre de recherche dédié à un projet en particulier. Nous avons par exemple annoncé la signature d’un accord avec le groupe PSA l’année dernière. L’accord porte sur le co-financement d’un centre de recherche sur les biocarburants. Le centre, dont le siège se trouve à Campinas, a un financement de 10 ans garanti.
Par ailleurs, pour les PME, nous avons le programme PIPE qui s’adresse aux entreprises innovantes dont le siège se trouve dans l’état de São Paulo.
Et pour les chercheurs Brésiliens, la ville de Paris a mis en place la bourse « Research in Paris ».
Par Sarah Ghobadi pour My Little Brasil.
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