Entreprendre dans la restauration au Brésil après des études d’anthropologie ça arrive. La preuve en est : après un premier cycle à Bruxelles et un master en management à Londres, Flore Wittouck s’expatrie au Brésil avec son mari. Suite à quelques expériences dans l’univers de l’entrepreneuriat social en Belgique et au Brésil, elle décide d’ouvrir son propre restaurant, le Belga Corner.
Retour sur l’histoire de la première femme belge à ouvrir un restaurant à São Paulo.
Flore, pourquoi et comment êtes-vous arrivée au Brésil ?
J’ai fait des études d’anthropologie à l’ULB (Université Libre de Bruxelles), puis un Master à la LSE (London School of Economics) en Development Management avec toujours l’idée en tête de partir vivre à l’étranger. Très vite, mon mari a eu l’opportunité de s’expatrier en Afrique du Sud, en Australie ou au Brésil. On a tout naturellement choisi le Brésil pour sa richesse culturelle.
Aviez-vous le projet d’ouvrir un restaurant en arrivant à São Paulo ?
Je suis arrivée au Brésil avec le projet de travailler dans la coopération au développement. Malheureusement, sans visa de travail, il était difficile de trouver un vrai emploi, autre que du bénévolat dans le monde social.
J’ai commencé à travailler bénévolement pour Ashoka, une organisation internationale qui a pour but d’inspirer, d’encourager, et de faciliter la co-création d’activités nouvelles à fort impact social, puis dans le domaine de l’éducation financière pour Boa Vista Serviços.
C’est au bout d’un an que j’ai senti ce petit « vice » de l’entrepreneuriat grandir en moi. Je pense que c’est spécifique à l’expatriation et au dynamisme de Sao Paulo, où l’on ressent une énergie particulière, la possibilité de faire autre chose que ce à quoi on était formé, où l’on est confronté sans cesse à de nouvelles idées et rencontres, où l’on constate les nombreuses choses qu’il nous manque en tant qu’étrangers…
Contrairement à l’Europe, le Brésil n’est pas un marché fort saturé. Il y a de place pour tout le monde -enfin, pour tous ceux qui ont de la volonté et du courage. J’ai donc décidé de quitter l’entrepreneuriat social pour ouvrir un restaurant.
Et comment vous est venue cette idée, d’ouvrir un restaurant à São Paulo ? Pourquoi São Paulo ?
Itaim, sa vie de quartier, son énergie m’a très vite donné l’envie de créer quelque chose à moi, où les gens seraient ravis de se retrouver. Un lieu avec une âme. Après un passage à Bruxelles, l’idée m’est venue d’exporter un concept simple qui cartonne en Belgique, le « Pitta Bar ». Je voyais ça comme une alternative aux restaurants de burgers, qui pullulent en ce moment à São Paulo.
L’idée du Belga Corner est d’offrir une alimentation simple mais de qualité, avec des produits frais et pourquoi pas exclusifs ! Nous proposons des plats belges, de bonnes salades à l’européenne, une gamme de pittas et de délicieux desserts au chocolat belge.
Nous offrons également une dizaine de bières belges ainsi que notre propre bière, produite exclusivement en Belgique. Si vous êtes plutôt thé, nous servons du Mariage Frères, si vous êtes plutôt café, une mignonette belge l´accompagnera. Je suis assez contente car, au-delà de la carte, on ressent un cachet européen dans cette maison pleine de charme, sur deux étages.
N’est-ce pas difficile d’ouvrir un restaurant dans un univers aussi concurrentiel ?
Au contraire. Si un restaurant japonais branché ouvre à côté de mon restaurant, cela m’est bénéfique : un pôle est en train de se constituer. Entourée du Butcher’s Market, du Fisherman’s Table, de Mr Baker, les passants ne seront pas mes clients ce soir mais le seront peut-être demain. J’ai aussi un voisin glacier, une pâtisserie à côté et je sais que leurs clients nous repèrent en même temps qu’ils achètent leur éclair ou leur sorbet !
Quels sont les défis spécifiques au Brésil que vous avez dû surmonter ?
Alors … par où commencer ? (rires)
- Je dirai qu’il faut être prêt à anticiper des deadlines repoussées sans arrêt, et si c’est universel, je pense que ça l’est encore plus au Brésil. Le mot clef est « la patience ».
- Les ouvriers ! Un vrai casse tête. Afin d’arriver à mener son chantier à terme, il faut être constamment derrière eux. Je soulignerai 2 difficultés majeures : 1) Le souci du détail des ouvriers. Ils n’ont souvent pas le même sens de l’esthétique que vous. Ma plus grande guerre est que les choses soient montées droites et non de travers. De plus, la plupart des « pedreiros » ne sont pas formés, ils s’inventent maçons du jour au lendemain et le résultat est parfois inattendu 2) L’irresponsabilité par rapport au chantier. Ils ne se sentent pas concernés et vous abandonneront sans prévention et aucun scrupule. Il est très dur de faire naître entre eux un sens des responsabilités.
- La bureaucratie…est un vrai labyrinthe. C’est pour ça qu’il est très important de s’associer avec des Brésiliens, qui sauront vous conseiller et surtout toujours aller chercher, en personne, l’information à la source.
- Créer un endroit différencié et un peu chic a un coût très élevé au Brésil. Par conséquent, toutes nos chaises et tables de jardins, notre vaisselle design, nos accessoires déco sont importés de Belgique par valises grâce à de nombreux amis.
Quels conseils pouvez-vous donner à ceux qui veulent ouvrir un restaurant à São Paulo ?
Armez-vous de patience, car le jeu en vaut la chandelle. N’hésitez pas à adapter votre projet selon les conseils reçus. C’est toujours surprenant, à quel point l’entraide est forte ici. J’ai passé beaucoup de temps à interroger des gérants d’autres restaurants. Certains d’entre eux ont été formidables et m’ont donné leurs fournisseurs, leurs avocats, leurs business plans et les erreurs sur lesquelles ils se sont cassés les dents… C’est un gain de temps énorme !
Je donnerai 3 conseils principaux :
1. Comprendre le marché
Lorsque j’ai décidé d’ouvrir ce restaurant, cela faisait un an et demi que j’habitais à São Paulo, et que je voyais dans le quartier des restaurants ouvrir, parfois fermer. Il n’est pas évident de comprendre tout de suite les attentes des Brésiliens.
J’ai cherché à comprendre pourquoi les critiques étaient bonnes ou mauvaises pour tel et tel endroit, comprendre les raisons de leur succès ou de leurs échecs. Je pense que le défi majeur est de fidéliser sa clientèle dans une ville où il y a tant d’options, de nouveaux endroits qui ouvrent. Bien choisir son ponto, c’est à dire son emplacement est capital pour augmenter les chances de réussite.
Surtout ne pas hésiter à aller vers les autres et à apprendre d’eux de leurs échecs… Ce type de conseils est précieux.
2. Bien s’entourer
Travailler avec des Brésiliens est primordial parce qu’ils savent mieux que vous ce qui se fait et ce qui ne se fait pas, parce qu’ils comprennent mieux que vous leur législation, parce qu’ils ont des contacts pour solutionner les problèmes que vous rencontrerez.
3. S’armer de courage et ne jamais baisser les bras.
… Que dire de plus ?
Merci Flore ! On se fait une gaufre rapidement ?
Avec plaisir !
Adresse :
Belga Corner
Rua Pedroso Alvarenga 666
Itaim Bibi
Suivez la page facebook du Belga Corner
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Par Camille de Bernis pour My Little Brasil