Dans notre premier volet, nous avons évoqué les racines du Funk Carioca et la nationalisation de ce nouveau style musical devenu populaire grâce à ses Baile Funk et son Funk Melody.
Voyons comment ce courant musical a évolué jusqu’à nos jours.
Le Funk Proibidão, nouveau genre né dans les années 80 au Brésil
Après le romantisme du Funk Melody des années 90, place à la violence et au crime avec un nouveau style : le Funk Proibidão (vient du mot « proibição», c’est-à-dire interdiction).
Ce nouveau genre, né dans les années 90, va supplanter le Funk Melody en vantant les mérites du crime, des armes, de la drogue, sans oublier les orgies et les infidélités. On assiste alors à l’apparition de récits teintés de violence excessive, sans doute motivés par une réalité de certaines favelas de Rio de Janeiro, et vantant les mérites des organisations criminelles carioca telles que le Comando Vermelho ou le Terceiro Comando, à la manière d’un certain Gangsta Rap américain chantant à la gloire des gangs de L.A.
La violence entre les trafiquants de drogue et les unités de police est un sujet récurrent dans ces textes, et l’on verra certains artistes connus enregistrer, souvent en mauvaise qualité sur cassette audio et plus récemment MP3, des morceaux Proibidão (souvent interdits à la vente et ne pouvant être écoutés que dans des Baile Funk, devenus hyper-sexualisés), en voici quelques exemples : Rap do Comando Vermelho de MC Cidinho et MC Doca (sur la mélodie de Carro Velho d’Ivete Sangalo), Rap do X-9 de MC Cidinho et MC Doca, Rap da Fazendinha de MC Sapão (on y entend des enfants chanter à la gloire du Comando Vermelho…), et plus récemment Vida Bandida 2 de Mc Smith.
Un des plus grands succès de Funk Proibidão des années 90, enregistré commercialement, reste sans conteste le morceau Rap das Armas du duo MC Júnior et MC Leonardo. Mais ce succès ne sera confirmé que 10 ans plus tard, dans les années 2000, lorsqu’il sera réenregistré par le duo MC Cidinho et MC Doca et inclus dans la bande originale du film brésilien Tropa De Elite (c’est sûrement sous cette version que vous connaissez ce succès).
Pour information, la mélodie de Rap das Armas est reprise du morceau des années 80 Your Love de The Outfield, comme quoi il n’y a pas que le hip-hop qui s’inspire de morceaux existants…
Autre remarque intéressante de cette époque, les titres aux noms très similaires, pas forcément liés au Funk Proibidão, vont ainsi s’enchaîner : Rap do Pirao, Rap da Daniela, Rap do Borel, Rap da Morena, Rap do Solitario, la liste est longue… et le mot Rap apparaissant dans ces titres nous rappelle que la frontière entre le hip-hop et le Funk Carioca est mince…
La batida tamborzão
La fin des années 90-début des années 2000 va également être marquée par un grand changement qui va définitivement donner son identité au Funk Carioca : le tempo.
Appelée le tamborzão, cette batida (battement, tempo en portugais) aurait été créée par DJ Luciano, qui n’a malheureusement pas bénéficié financièrement de sa superbe trouvaille.
C’est néanmoins ce nouveau rythme qui va creuser le fossé entre le funk des années 80-90 inspiré par le rythme Miami Bass (désormais considéré « old school »), et la nouvelle vague des années 2000 à nos jours. On retrouvera donc le tamborzão dans la majorité des morceaux funk en 2000-2010.
Le tube des années 2000 au Brésil
Le Funk Carioca fait fureur, les Baile Funk se multiplient et des tubes resteront mythiques : ainsi MC Creu, originaire de Rio de Janeiro, va se faire connaître grâce au célèbre A Dança do Creu, une chanson connue pour faire danser la gente féminine en accélérant le tempo de la vitesse 1 à 5.
Adressa Soares, un de ses danseuses, se fera connaître sous le pseudonyme de Mulher Melancia (la femme pastèque, en rapport à ses formes très généreuses…), sortira un tube (Velocidade 6), et lancera la mode des Mulheres Fruta (les femmes fruits) : Mulher Melão (la femme melon), Mulher Moranguinho (la femme petite fraise)… la stratégie marketing est en marche.
Le Funk Ostentação en 2010
À la fin des années 2000, beaucoup de favelas se pacifient, le niveau de vie augmente dans les grandes métropoles, et le Funk Proibidão de Rio va trouver un concurrent de taille à São Paulo: le Funk Ostentação, qui naît entre 2009 et 2010.
Ce nouveau type de Funk Carioca, basé sur l’ostentação (l’ostentation, la mise en valeur excessive) permet à la nouvelle génération de MCs d’exhiber sans modestie le succès, l’argent et leur égo surdimensionné à travers leurs textes, et surtout leurs clips vidéos très bling-bling.
Kondzilla est actuellement le producteur de clips de Funk le plus productif du Brésil. Si vous voulez avoir une idée du Funk Ostentação, cherchez simplement Kondzilla sur Youtube et vous obtiendrez les liens des dernières nouveautés 2013.
Du côté féminin, MC Pocahontas est la plus célèbre chanteuse, notamment grâce au succès 2013 : Mulher do Poder (la femme de pouvoir). Comme vous le constaterez dans son clip et le texte de la chanson, l’argent, les marques luxueuses, et la beauté sont la principale marque de fabrique de ce nouveau genre.
Du côté masculin, MC Guimê enchaîne les tubes, avec le succès 2012 Plaque de 100 (faisant référence aux billets de 100 reais), où vous aurez l’occasion de voir les billets de banque qui coulent à flots et découvrir sa collection de motos hors de prix, et plus récemment Na Pista Eu Arraso (sur la piste de danse j’assure). Ces deux vidéos ont été vues respectivement par plus de 36 et 22 millions d’internautes sur Youtube.
Mais le Funk Ostentação n’a pas connu que des beaux jours : le 7 juillet 2013, MC Daleste, auteur du succès São Paulo, a été assassiné pendant son concert, le crime ayant visiblement été commis par vengeance d’après l’enquête officielle
Depuis les années 60, le Funk Carioca, en puisant sa source dans la Miami Bass, a évolué sous différentes formes, telles que le Funk Melody, le Funk Proididão et plus récemment le Funk Ostentação, avec des Baile Funk de plus en plus sexualisés.
Véritable phénomène culturel devenu très controversé au travers des dernières décennies, le Funk Carioca a su, contrairement à son pendant américain (la Miami Bass) qui n’a jamais réussi à perdurer dans le temps, s’imposer dans tout le Brésil après 40 ans de construction.
Ceci ne serait jamais arrivé sans la persévérance des DJs des années 70 et 80, tels que DJ Marlboro, qui ont su résister aux modes de l’époque (la Disco) et créer un véritable style musical devenu national à la fin des années 80.
Alors finalement, après avoir puisé sa source dans la Miami Bass, flirté avec le romantisme (Funk Melody), fait l’apologie du crime et vanté les prouesses sexuelles (Funk Proibidão), changé définitivement de tempo (tamborzão), exhibé l’argent et le succès (Funk Ostentação), quelle(s) forme(s) va prendre le Funk Carioca dans les années à venir ? Rester dans l’ostentation, changer de tempo, se mélanger avec d’autres genres musicaux ? À suivre…
Si vous voulez en savoir davantage sur les origines de ce style musical, les Baile Funk, les groupes qui ont rendu ce style musical célèbre, je vous invite à lire l’excellent livre, écrit en portugais, qui m’a fortement inspiré pour la rédaction de cet article : Batidão – Uma História do Funk.
Je vous propose également les 2 documentaires suivants, qui vous montreront les 2 ambiances Old School et d’aujourd’hui :
Par Jérémie Melki pour My Little Brasil
il y a aussi paralèllement au Tamborzao le rythme Volt: https://www.youtube.com/watch?v=1Al_J8GnWqM
il y a aussi paralèllement au Tamborzao le rythme Volt: https://www.youtube.com/watch?v=1Al_J8GnWqM
très bon article!!!!!!
j’étais plus trop à la page en Funk Carioca !!!
^^
très bon article!!!!!!
j’étais plus trop à la page en Funk Carioca !!!
^^